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Si la transition écologique ne pourra se faire sans un changement de nos pratiques, les innovations technologiques auront aussi un rôle-clé. En matière d’énergies vertes, de nombreux travaux de recherche pourraient porter leurs fruits. En voici trois exemples.
De l’électricité pourrait être produite dans tous les estuaires. En 2013, à l’Institut Lumière Matière de Villeurbanne (Rhône), le physicien, professeur attaché à l’Ecole normale supérieure (ENS) Lydéric Bocquet et ses collègues redécouvrent une énergie connue depuis les années 1950 mais un peu délaissée : l’énergie osmotique.
Concrètement, quand on met en contact des eaux aux taux de salinité différents, le sel circule naturellement pour s’équilibrer. Il est en effet constitué de sodium chargé positivement en électricité et de chlore chargé négativement. Placez une membrane qui ne laisse passer que les ions de sodium, vous créez une pile électrique naturelle. Le problème réside alors dans le coût et l’efficacité des membranes. En 2015, Bocquet fonde avec des entrepreneurs fous de sciences appliquées la start-up Sweetch Energy. En moins de dix ans, elle est parvenue à créer une membrane à la fois biosourcée et accessible économiquement. Un premier pilote de production à grande échelle d’énergie osmotique est en place sur le delta du Rhône.
Les MOF viennent, eux aussi, à la rescousse de l’environnement. De quoi parle-t-on ? Des metal organic frameworks, ou solides poreux hybrides cristallisés en français. Ils contiennent de minuscules cavités, de l’ordre du nanomètre, c’est-à-dire de la taille de molécules essentielles (O2, H2, O, CO2, etc.). D’où des propriétés d’absorption sélective qui intéressent les chercheurs.
Le chimiste Christian Serre, directeur de recherche au CNRS, à la tête de l’Institut des matériaux poreux de Paris (ENS, ESPCI, université PSL), fraîchement élu à l’Académie des sciences, a consacré une grande partie de sa carrière à ces matériaux, qu’il compare à des « éponges moléculaires ». Il en a créé des centaines de variations et en a multiplié les applications dans le domaine de l’énergie verte (production d’hydrogène, transfert de chaleur, membranes pour batteries ou piles à combustible) et de l’environnement (capture ou valorisation du CO2, dépollution de l’air…). Ses travaux de recherche fondamentale intéressent les industriels, avec lesquels il travaille. Il a aussi cofondé, en 2021, la start-up SquairTech, spécialisée dans la qualité de l’air intérieur.
L’hydrogène est un levier essentiel de la transition énergétique : il pourrait en partie remplacer les hydrocarbures et son usage ne pollue pas. Mais il est aujourd’hui principalement produit à partir de gaz naturel, un procédé qui dégage du CO2. Une option durable à cette méthode est l’électrolyse de l’eau, soit la décomposition des molécules d’eau (H2O) en molécules d’oxygène (O2) et d’hydrogène (H2). Cela requiert des catalyseurs, comme le platine, un métal rare, trop coûteux pour une utilisation à grande échelle.
Mais, explique le chimiste Vincent Artero, ancien de la « rue d’Ulm », directeur de recherche à l’Institut de recherche interdisciplinaire de Grenoble, « produire de l’hydrogène, sans platine, avec de l’énergie solaire, c’est possible. Il suffit de s’inspirer de la nature, en particulier des microalgues ». Depuis des années, Vincent Artero et son équipe miment ainsi les sites actifs d’enzymes à même de produire de l’hydrogène, comme les hydrogénases. A terme, l’idée est de produire un « carburant solaire » bon marché, explique M. Artero, qui travaille déjà avec des industriels comme Engie.
La Nuit de l’énergie à l’Ecole normale supérieure (ENS) est en accès libre, sur inscription. Elle se déroule sur le site historique de l’école, le 20 septembre, de 17 heures à minuit. Vous y entendrez des dizaines d’enseignants-chercheurs et de personnalités (dont plusieurs sont cités dans ces pages), très majoritairement mais pas exclusivement liés à l’ENS, lors de conférences, tables rondes et ateliers proposés par tous les départements de l’école, et pourrez assister à des spectacles.
En outre, Le Monde vous en proposera également un écho sonore, une série de podcasts diffusés à partir de la fin du mois sur notre site, avec la linguiste Barbara Cassin, l’historien François Jarrige, l’économiste Laurence Tubiana, le physicien Lydéric Bocquet et le spécialiste du cerveau Sébastien Wolf (par ailleurs guitariste du groupe Feu! Chatterton).
Ecole normale supérieure, 45, rue d’Ulm, Paris 5e. Inscirptions : Nuit.ens.psl.eu
Lors de La Nuit de l’énergie, Lydéric Bocquet dialoguera avec Bruno Le Maire et Emmanuel Basset, à 18 heures, sur la grande scène de la cour Pasteur, à l’Ecole normale supérieure. Elle accueillera également, à 20 heures, un débat entre Christian Serre, Jean Jouzel, Thibault Cantat et Rodolphe Vuilleumier sur le thème « Chimie et énergie ».
Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec La Nuit de l’énergie, organisée par l’Ecole normale supérieure.
Ariane Ferrand
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